Avis critique de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme relatif à la proposition de loi visant à lutter contre la haine sur internet

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15/07/2019
Affaires - Immatériel

Alors que la proposition de loi visant à lutter contre la haine sur internet (PPL) a été votée par l’Assemblée Nationale, le 9 juillet dernier, la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) a publié son avis sur ce texte. 
Si elle « souscrit évidemment pleinement à l'objectif affiché par la PPL », elle « regrette que cette PPL, à laquelle il appartient de concilier des droits et libertés fondamentaux, souffre d'une préparation hâtive, d'une rédaction approximative, d'un dispositif inutilement complexe et de n'être en fin de compte qu'un palliatif à l'insuffisance de moyens budgétaires ». 

Ainsi, et plus précisément, elle recommande le retrait de son article 1er visant à lutter contre la haine sur internet et la réécriture des autres articles. Cet article enjoint les plateformes et les moteurs de recherche de supprimer des contenus « manifestement » contraires à un certain nombre d'infractions, sous peine d'être sanctionnés pénalement. 

La commission considère que « ce texte fait peser une menace disproportionnée sur la liberté d'expression en raison de la procédure envisagée. Celle-ci fait reposer l'appréciation du caractère illicite d'un contenu sur les plateformes, via des algorithmes et des modérateurs peu formés, en lieu et place de l'autorité judiciaire. Ce dispositif renforce le pouvoir des grandes plateformes au détriment des autres acteurs qui n'auront pas tous les moyens d'appliquer la loi. En outre, la lourdeur de la sanction encourue risque d'encourager des retraits excessifs, faisant peser un risque de censure ».

La CNCDH s'inquiète aussi du processus de régulation proposé. Selon elle « le CSA, dans son organisation actuelle, ne semble pas équipé pour une telle mission ». Aussi, elle « insiste tout particulièrement sur la nécessité d'assurer un contrôle effectif sur le fonctionnement des systèmes algorithmiques ». 

Elle regrette aussi que « la proposition de loi s'attache plus à une approche répressive centrée sur le retrait des contenus - le symptôme - plutôt que d'en prévenir la cause en cherchant à faire changer les comportements ». 
Elle « s'interroge également sur la présence dans un texte consacré aux contenus haineux d'infractions telles que le proxénétisme ou la traite des êtres humains »
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 « Très préoccupée par le risque d'une censure excédant ce qui est nécessaire à la protection des droits d'autrui, induit par l'article 1er de la PPL », elle « recommande de privilégier une régulation renforcée des réseaux sociaux et des moteurs de recherche ». 

Par ailleurs, elle « exprime la nécessité de renforcer, par l'attribution de moyens adaptés, la place du juge judiciaire dans la poursuite et la sanction des contenus haineux ».

Enfin, en raison du caractère transfrontalier d'Internet, elle « appelle à une réflexion plus globale au niveau européen, incluant toutes les parties prenantes, en faveur d'une harmonisation du cadre de la régulation des plateformes et des moteurs de recherche ».
Source : Actualités du droit