Covid-19 et bail d’habitation : conséquences en matière de délivrance d’un congé par le bailleur

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21/04/2020
Civil - Immobilier

L’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 a prorogé certains délais échus pendant la période d'urgence sanitaire. Qu’en est-il en matière de baux d’habitation lors de la délivrance d’un congé par le bailleur ?
Sur ce point, et concernant les contrats renouvelables par tacite reconduction et ceux dont la résiliation est encadrée dans une période déterminée, l’article 5 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 (JO 26 mars) permet à la partie qui n'aurait pas pu résilier un contrat ou s’opposer à son renouvellement dans le délai imparti en raison de l’épidémie de Covid-19, de bénéficier d'un délai supplémentaire pour le faire.

Le texte prévoit ainsi la prolongation de deux mois après la fin de la période d’urgence sanitaire, des délais pour résilier ou dénoncer une convention lorsque sa résiliation ou l’opposition à son renouvellement devait avoir lieu dans une période ou un délai qui expire durant ladite période.

Le ministère de la Justice a publié sur son site internet une fiche pratique relative aux modalités de délivrance d’un congé, pour reprise par exemple, devant être effectuée pendant la période d’urgence sanitaire, à savoir entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 (JO 24 mars).

La loi du 6 juillet 1989 à l’épreuve du Covid-19

Rappelons que le bailleur qui souhaite reprendre son logement, pour les causes spécifiques précisées à l’article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 (reprise pour vendre, pour occuper, ou pour un motif légitime et sérieux), doit délivrer un congé à son locataire au moins six mois avant l’arrivée du terme du contrat. À défaut d’avoir respecté ce délai de préavis, le contrat de bail est tacitement renouvelé pour une période de trois ans (L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 10) et le congé délivré est nul.
Néanmoins, l’article 5 précité de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 énonce que « lorsqu’une convention ne peut être résiliée que durant une période déterminée ou qu’elle est renouvelée en l’absence de dénonciation dans un délai déterminé, cette période ou ce délai sont prolongés s’ils expirent durant la période définie au I de l’article 1er, de deux mois après la fin de cette période ».

Comme le précise le ministère de la Justice, il s’ensuit que, si le délai laissé au propriétaire pour délivrer un congé à son locataire devait expirer durant cette période, celui-ci sera prolongé de deux mois à l’issue du mois suivant la fin de ladite période. Le report possible de la délivrance par le bailleur du congé au locataire implique, par conséquent, que ce congé puisse être délivré valablement moins de six mois avant le terme du contrat de bail, cette délivrance faisant en outre obstacle à la tacite reconduction du bail à l’arrivée de son terme (L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 10, al. 2).
Dès lors, la question se pose de savoir si ce report dans la délivrance du congé par le bailleur a pour conséquence de réduire le délai de préavis prévu à l’article 15 de la loi de 1989.

Conséquence du report de la délivrance du congé sur la durée du préavis

Le délai de préavis prévu à l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 court à compter de la prise d’effet du congé et se calcule en remontant dans le temps, en l’espèce six mois au moins, jusqu’à la date de délivrance du congé par le bailleur au locataire.
En pratique, le délai de préavis de six mois imposé par la loi du 6 juillet 1989 permet au locataire de prendre ses dispositions pour trouver un nouveau logement. Par conséquent, s’agissant d’un délai à rebours, protecteur des droits du locataire, le délai de préavis prévu à l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 ne saurait être raccourci par la mise en application des dispositions de l’article 5 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, permettant la prolongation du délai dont dispose le bailleur pour délivrer son congé. Le bailleur ne pourra donc prétendre à la reprise effective de son logement que six mois après la réception du congé par le locataire. La période qui s’étendra entre le terme contractuel du contrat et la reprise effective du logement pourra être considérée comme une prorogation temporaire du contrat.

Illustration

Un contrat de bail d’habitation arrive à son terme le 31 octobre 2020. Le bailleur qui souhaite reprendre ce logement pour l’habiter lui-même devait délivrer un congé à son locataire au plus tard le 31 mars. En raison de l’état d’urgence sanitaire, il a été mis dans l’impossibilité de donner ce congé à compter du 12 mars. En application des dispositions de l’article 5 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, et si l’on admet que la fin de l’état d’urgence sanitaire interviendra le 24 mai, le bailleur sera en droit de délivrer son congé jusqu’au 24 août 2020.

Si le locataire reçoit le congé délivré par le bailleur le 19 août 2020, ce congé sera régulièrement délivré en application de l’article 5 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 précitée et empêchera la tacite reconduction du bail. En revanche, le locataire disposera d’un délai de six mois avant que les effets de ce congé ne deviennent effectifs et qu’il soit tenu de quitter les lieux (L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 15).
La période s’étendant entre le 31 octobre 2020 et le 19 février 2021 pourra être considérée comme une période exceptionnelle de prorogation temporaire du contrat de bail.
Source : Actualités du droit