Divulgation d’une action en contrefaçon n'ayant pas donné lieu à une décision de justice : dénigrement ?

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18/01/2019
Affaires - Droit économique

Le 9 janvier 2019, la Cour de cassation juge que la divulgation d'une action en contrefaçon n'ayant pas donné lieu à une décision de justice constitue un dénigrement fautif.

Même en l'absence d'une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l'une, d'une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l'autre constitue un acte de dénigrement, à moins que l'information en cause ne se rapporte à un sujet d'intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu'elle soit exprimée avec une certaine mesure.

Dès lors, la divulgation à la clientèle, par un concurrent, d’une action en contrefaçon n'ayant pas donné lieu à une décision de justice, dépourvue de base factuelle suffisante en ce qu’elle ne repose que sur le seul acte de poursuite engagé par le titulaire des droits, constitue un dénigrement fautif.

Tel est le sens d’un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 9 janvier 2019.

Concurrence déloyale ?

En l’espèce, une société ayant pour activité la fabrication et la vente de produits en matière plastique, dont des meubles de jardin vendus par l'intermédiaire d’un agent commercial, a assigné en contrefaçon de ses modèles communautaires une société de droit italien, spécialisée dans la conception, la fabrication et la distribution de meubles de jardin. Reprochant à l’agent commercial d'avoir organisé à son encontre une campagne de dénigrement en divulguant l'existence de cette action en justice, ce qui avait conduit plusieurs de ses clients à renoncer à des commandes, la société italienne l'a assigné en paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale.

L'arrêt d’appel (CA Paris, Pôle 5, ch. 1, 17 janv. 2017, n° 14/25268) rejette cette demande. Il relève que l'action en contrefaçon a été rejetée par un jugement confirmé par un arrêt d’appel et qu’il ressortait des termes des courriels adressés à la société italienne par ses distributeurs que ceux-ci avaient été informés de cette action environ trois semaine après qu’elle fut engagée. Ainsi, l’arrêt d’appel retient que le caractère non objectif, excessif ou dénigrant, voire mensonger, des informations communiquées visant la société italienne ou celui menaçant des propos tenus à l'égard des distributeurs, seul susceptible de caractériser un procédé déloyal, n'est pas démontré.

Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation, énonçant la solution précitée, censure l’arrêt d’appel au visa des articles 1382, devenu 1240, du Code civil et 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme.

Par Vincent Téchené

Source : Actualités du droit