Publication du jugement de condamnation pour contrefaçon et abus de droit de la victime

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31/10/2017
Affaires - Immatériel, Pénal des affaires
Pénal - Droit pénal spécial

Les dispositions de l'article L. 615-7-1 du Code de la propriété intellectuelle prévoyant qu'en cas de condamnation pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu'elle désigne, selon les modalités qu'elle précise et aux frais du contrefacteur, ne sont pas exclusives du droit pour la victime, sauf abus, de procéder, à ses propres frais, à toute autre mesure de publicité de la condamnation prononcée à son bénéfice. 
Tel est l'enseignement d'un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 18 octobre 2017. En l'espèce, une société a été condamnée pour contrefaçon de brevet, l'arrêt d'appel ayant ordonné une mesure de publication de son dispositif dans trois journaux ou périodiques. La société titulaire du brevet a substitué à la mesure de publication ordonnée une mise en ligne sur son site internet d'un document intitulé « Note d'information juridique [X] contre [Y] - Condamnation pour contrefaçon de brevet portant sur une pièce profilée pour l'accrochage d'un plafond tendu » contenant le dispositif du jugement. Soutenant que cette mise en ligne constituait un acte de dénigrement commis à son égard, la société condamnée pour contrefaçon a assigné la société ayant diffusé cette note en paiement de dommages-intérêts.

Énonçant la solution précitée, la Cour de cassation relève, notamment que, par une appréciation souveraine des éléments de fait qui lui étaient soumis, la cour d'appel (CA Paris, 21 mai 2015, n° 14/01155) a retenu que le texte mis en ligne était neutre dans sa présentation, ne comportait aucun commentaire. Mais, s'agissant des deux exceptions apportées à la reproduction du dispositif du jugement, si la première n'était pas de nature à tromper le lecteur sur la portée exacte de la décision ou sur ses motifs, la seconde augmentait l'impact de la publicité donnée au jugement au-delà des limites résultant des termes mêmes de son dispositif, de sorte que les juges d'appel ont, à raison, déduit que la victime de la contrefaçon avait commis une faute constitutive de concurrence déloyale au préjudice de la société contrefactrice.

Par Vincent Téchené
 
Source : Actualités du droit