Recours à la conciliation : un droit pour le consommateur mais non une obligation

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21/01/2022
Civil - Contrat

Le juge doit examiner d’office la régularité d’une clause contraignant le consommateur, en cas de litige portant sur l’exécution du contrat, à recourir obligatoirement à une médiation avant la saisine du juge, clause présumée abusive sauf preuve contraire rapportée par le professionnel.
Après avoir fait l’objet de travaux de réhabilitation, un logement d'habitation aménagé en partie dans une ancienne cave est donné à bail. Le locataire se plaignant de la forte humidité de l’appartement assigne le loueur en exécution de travaux et réparation de ses préjudices, lequel assigne en garantie les intervenants à l'acte de construire. Une expertise est ordonnée.

L’action du loueur contre le maître d’œuvre est déclarée irrecevable par la cour d’appel en raison de la présence dans le contrat de maîtrise d’œuvre d’une clause prévoyant le recours, en cas de litige, et avant toute procédure judiciaire, à une commission de conciliation d’une association de consommateurs. Le loueur invoque le caractère abusif de cette clause et l’obligation pour le juge d’examiner d'office le caractère abusif des clauses invoquées par une partie.

L’arrêt est cassé. La Cour suprême cite tout d’abord les textes applicables aux contrats conclus entre professionnels et consommateurs :
  • sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat (C. consom., art. L. 132-1, devenu L. 212-1) ;
  • sont présumées abusives, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d'arbitrage non couverte par des dispositions légales ou à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges (C. consom., art. R. 132-2, 10°, devenu R. 212-2, 10°).
Puis, elle rappelle qu’« il est jugé, au visa de ces textes, que la clause, qui contraint le consommateur, en cas de litige, à recourir obligatoirement à une médiation avant la saisine du juge, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, de sorte que l'arrêt qui, à défaut de cette preuve contraire, fait produire effet à une telle clause doit être cassé (Cass. 1re civ., 16 mai 2018, n° 17-16.197) ».

Elle ajoute que selon l’article R. 632-1 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 et applicable au litige, « le juge écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des débats ». « La clause, qui contraint le consommateur, en cas de litige avec un professionnel, à recourir obligatoirement à un mode alternatif de règlement des litiges avant la saisine du juge, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire ». Le juge aurait dû examiner d'office la régularité d'une telle clause. La cour d'appel n'a donc pas donné de base légale à sa décision.

Remarque : La validité de la clause prévoyant le recours à la conciliation ou à la médiation, obligatoire et préalable à la saisine du juge a été consacrée en 2003 par la Chambre mixte ; cette clause constitue une fin de non-recevoir (Cass. ch. mixte, 14 févr. 2003, n° 00-19.423, Bull. mixte, n° 1 ; voir récemment, pour une application à un tiers au contrat : Cass. 3e civ., 5 janv. 2022, no  20-10.147, D). La Cour de cassation confirme ici que cette clause devient abusive lorsqu’elle est stipulée dans un contrat de consommation, sauf preuve contraire rapportée par le professionnel. On peut se demander comment un professionnel pourrait renverser cette présomption.
 
Pour aller plus loin, voir Le Lamy Droit du contrat, n° 3238.
 
Source : Actualités du droit